Décembre, les soirs d’hivers : le temps des veillées où l’on aimait se retrouver autrefois. On bavardait, on travaillait, on jouait aux cartes, on poussait la chansonnette et on se racontait des histoires… Des légendes, transmises de génération en génération, mais aussi des faits où la frontière entre réel et imaginaire semblait parfois bien ténue. Vouivres, dames blanches s’invitaient souvent lors des veillées, mais aussi le loup !
S’il était souvent évoqué sous sa forme « humanisée », en loup-garou, le loup pouvait être bien réel… Inoffensif, comme celui vu traversant Cuiseaux au milieu du 19ème siècle, visiblement soûl du raisin des vendanges, comme le relatait Marcel Baroë dans son ouvrage Aspects de l’irrationnel en Bresse louhannaise au début du 21ème siècle. Ou un peu moins, comme celui qui fit perdre la vie à Humbert Gaudillié, un jeune homme de 17 ans, à Champagnat le 30 juin 1814 1.
À Frontenaud, une femme est restée dans les mémoires pour son activité liée à cette bête sauvage : la « Quin-na des loups ». Veuve d’un certain Quint, elle « rôdait » dans les bois entre Frontenaud, Sagy, Bruailles et Sainte-Croix et était assimilée à celles que l’on dénommait les « mères aux loups », passant leur vie à chasser ces bêtes afin de décrocher quelques primes liées à la destruction de ces prédateurs. « C’était une grande diablesse, coiffée d’un grand chapeau de paille, avec devant elle un large tablier de cuir pour se protéger des morsures des loups et portant un énorme bâton pour se défendre. Cette femme savait, aux traces laissées dans le sol, s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle. Plus surprenant, elle pouvait connaître, à l’empreinte de la louve en gestation, la date à laquelle elle devait mettre bas. Elle suivait ces marques jusqu’à la tanière de l’animal dont elle devinait l’existence – disait-elle – à la présence d’une légère brume à son entrée. Quand elle se trouvait face à la louve, elle lui laissait l’un de ses petits pour garder la vie sauve. On la voyait souvent un louveteau en laisse. 2» Elle trouva apparemment la mort vers 1830-1832, dévorée par des loups…
Dans la gueule du loup
Avez-vous remarqué que des loups étaient visibles à Louhans ?… Au nombre de quatre, ils entourent le clocher de l’église puisqu’il s’agit de gargouilles, gouttières en saillie par lesquelles s’éjectent les eaux de pluie. Souvent sculptées en forme d’animaux, de démons ou de monstres, celles de Louhans datent de 1526 et l’une d’entre elles aurait été déposée en 1883. Placée à l’intérieur de l’édifice, elle fait partie des collections du Musée municipal. On raconte qu’il est de tradition de placer sa main dans la gueule de la bête de pierre… À vos risques et périls : les menteurs ne pourraient retirer leur bras, seraient mordus ou y laisseraient un doigt…
Le loup présent dans notre patrimoine culturel
La toponymie, l’étude des noms de lieux et de leur origine, fait parfois référence à l’animal sauvage, y compris en Bresse. Pour faire écho à l’attaque relatée à Champagnat, savez-vous que la commune abrite les hameaux de « Louvarel » et de « Gratte-loup » ?… Dans le village voisin, Dommartin-lès-Cuiseaux, c’est « La Queue-au-Loup » qui évoque l’animal, lieu-dit également présent à Juif et Savigny-sur-Seille.
De nombreuses histoires évoquent le fait que des Bressans, souvent des ménétriers de retour de noces, se soient faits surprendre au détour d’un chemin, la nuit, par un loup. La plupart du temps, les loups sont dits « suiveurs » car ils restent à distance des imprudents et les abandonnent à l’approche d’un village, sains et saufs bien qu’apeurés.
L’auteur de Sagy, Jacques Roy (1870-1954), consacra un conte de Noël à l’animal en 1923, « Le loup blanc » : à lire dans « Les Contes de Panurge ».
1 Champagnat, entre Bresse et Revermont. Champagnat Patrimoine (novembre 2021)
2 Aspects de l’irrationnel en Bresse louhannaise au début du 21ème siècle, Marcel Baroë (2003)
Pour aller plus loin :
Les loups dans l’histoire de Bourgogne, Gilles Platret. La Voix des siècles, 2007
Rédactrice : Adeline Guillemaut